La cible: les riches, pas le climat
« 150 fois les mots impôt ou imposition, 35 fois le climat »
D’abord, les rapporteurs ont rappelé que la Commission de l’économie et des redevances avait rejeté l’initiative par 17 voix contre 8, de même que tout contre-projet. Les raisons évoquées recoupent celles du Conseil fédéral : problèmes économiques, manque à gagner fiscal, violation de droits constitutionnels, etc.
Au nom du Parti socialiste, Samuel Bendahan a entamé son exposé en dénonçant « la croissance vertigineuse des inégalités à travers le monde et en Suisse ». Le décor était ainsi posé : ce n’est le climat qui est au centre du projet des Jeunes socialistes, mais la lutte contre les riches. Le conseiller national Sidney Kamerzin (Le Centre/VS) n’a d’ailleurs pas manqué d’interpeller le vice-président du PS sur ce point : « Votre initiative concerne le climat, mais votre plaidoyer n’en a pas parlé. Le sujet de votre intervention est la lutte des classes ». Le quotidien 20 Minutes confirmait cette analyse, notant que selon le compte-rendu du débat , le mot «riche» a été prononcé 51 fois, «impôt» ou «imposition» 153 fois, alors que «climat» ou «climatique» seulement 35 fois et «écologique» huit fois.
On le savait, mais c’était une utile confirmation. Pour notre part, nous affirmons depuis longtemps que la lutte contre le dérèglement climatique est une feuille de vigne qui cache un autre projet, qui n’est rien d’autre que la lutte anticapitaliste.
Valeurs libérales, sérieusement ?
Samuel Bendahan a déploré aussi et le manque de « libéralisme » du système actuel, qui ne récompenserait pas le mérite, puisque que certains héritent sans avoir participé à la constitution de la fortune. S’il est doux d’entendre les termes « libéral » et « mérite » dans la bouche d’un éminent représentant du PS, on reste méfiant.
Plus étonnant encore : Samuel Bendahan a défendu un contre-projet à l’initiative dont il est lui-même, en compagnie de Cédric Wermuth et Mattea Meyer, l’un des auteurs. Il s’agirait de permettre la transmission d’une succession sans impôt si la fortune est le fruit du travail, mais pas si elle est le fruit d’un héritage. Le taux serait aussi inférieur. On imagine sans peine les mesures administratives nécessaires pour mettre en place une telle idée et vérifier que l'héritier n'a pas engagé sa fortune dans une activité économique. D'autre part, c’est un double discours. D’abord, on exige le maximum; ensuite on dilue complètement la demande. Ce n'est pas une base de discussion sérieuse.
D’autres représentants du PS ont aussi proposé des alternatives, ce qui ne plaide malgré tout pas pour des propositions qui, au final, ciblent une frange de personnes en Suisse, personnes que l’on veut en outre empêcher par tous les moyens de quitter le territoire. L'initiative essaye de les enchaîner en Suisse, notamment par un impôt de départ (dont le Conseil fédéral a dit qu'il ne l'appliquera pas) et d'autres mesures coercitives.
Un discours qui fait malheureusement mouche
Question mérite, on doit en reconnaître un au Parti socialiste : celui de l’assiduité. Cela fait en effet des dizaines d’années qu’il dénonce des «riches toujours plus riches», des «inégalités toujours plus insupportables», malgré les faits et les statistiques qui démontrent le contraire. Marteler toujours les mêmes messages s'avère malheureusement efficace, car il a contaminé d'autres milieux.
Il serait bon que l’on sorte enfin des analyses caricaturales des «inégalités de fortune», qui ne disent rien en réalité de la situation financière des classes modestes ou moyennes. J’ai fait dans un article l’hypothèse de l’installation en Suisse des hommes les plus riches du monde et des conséquences mécaniquement «catastrophiques», en termes statistiques, qui en résulteraient. En réalité, les inégalités de fortune ne jouent pas de rôle négatif pour le citoyen, au contraire. L'article complet est ici: https://bit.ly/4bJsyXS
Le Conseil national reprend le traitement de l’initiative le 18 mars.